The three lives of Alessandrini

''Pour certains c’est l’exploit de toute une carrière, pour d’autres c’est le début d’une légende. Et puis il y a ce petit groupe qui s’est perdu en route, pour qui la marche était trop haute. C’est le sport ; il faut des vainqueurs et des perdants. Mais Mike... c’est quelque chose d’autres. C'est sa fin et son début, c'est sa naissance et sa mort. Ce type est le jésus du vélo.''

''Mike a eu trois vies. Pour lui, il y a eu l’avant. Il y a eu l’après, et il y a eu l’après-après. En contemplant sa carrière, c’est vraiment difficile de savoir ce qui a été le plus remarquable. Cette victoire, sa chute, ou comme il s’est réinventé. Je pense que c’est l’un des coureurs les plus remarquables de sa génération. Pas parce qu’il a été incroyablement bon, mais parce que son histoire est surréaliste.''

"Je ne sais même pas qui c’est. Cette course, c’était de la grosse m., n'importe quoi. Bravo à lui j'imagine. Je suis dégouté, toute notre préparation ruinée comme ça."

Michele "Mike" ALESSANDRINI
Calgary, Canada
4 nov 1996 (19 ans)
Baroudeur

Carrière
2014 – Junior

Je n’ai jamais été le meilleur à l’école, trop petit pour rejoindre les équipes de football ou de hockey. De toute façon mon sport c’est le soccer, le vrai football européen. Pour être honnête, je ne sais pas trop comment je suis arrivé au cyclisme. Peut-être le vieux Bianchi de papa, dans le garage de notre villa de St. Andrews Hills, Calgary. J’ai commencé sur le tard, il y a deux ans après une sale blessure, et j’ai tout de suite accroché. J’ai participé aux kermesses locales et, apparemment, je ne suis même pas trop mauvais. Du moins c’est ce que m’ont dit les recruteurs de H&R Block, une petite équipe canadienne. Ils m’ont proposé un contrat de néo-pro pour une saison, pour voir si j’ai de quoi passer au niveau supérieur. J’ai décidé de mettre mes études en partie de côté, un simple mi-temps pour au moins cette année, et de tenter ma chance. Après tout, pourquoi pas. Je n’ai pas grand-chose à perdre et je serais payé quelques dollars pour voyager à travers notre beau continent.

Vous vous demandez probablement pourquoi on s'intéresse à moi? Après tout, je n’ai rien de trop exceptionnel. Je viens d’une famille de la classe moyenne. Je n’ai pas de talent particulier, et je ne pense pas remporter de grand-tour un jour. Hey, je ne sais même pas si je vais courir en Europe un jour. Paris-Roubaix, le Giro, tout ça je n'y pense pas trop: moi c'est plus Tour de Californie et Philly Classic. Je veux dire, maman ne voudrait de toute façon probablement pas que je suive cette carrière. Alors pourquoi moi ? Peut-être parce que même les gens moyens comme moi méritent d’être mis en avant une fois. C’est vrai, après tout on se concentre toujours sur les premiers. Mais pourraient-ils être premiers s’il n’y avait pas 170 personnes derrière qui s’étaient battu tout autant pour cette place ? Et, après tout, peut-être que je serai capable de passer pro. Je l'espère moi-même, personne ne veut être moyen.

Mon rêve, c’est de pouvoir courir en Italie. La passion là-bas, c’est quelque chose d’autre. Et puis il y a quelque chose de spécial avec ce pays. Mon pays. Mes parents sont arrivés au Canada quelques mois avant que je naisse mais je sais qu’ils ont laissé quelque chose sur place. Une part d’eux est resté à Ostia et je ne sais pas quoi. Ils se plaignent tout le temps, le temps, la bouffe, les gens, la mer, à croire qu’on vit en Corée du Nord. Et puis, selon maman, papa n’était pas comme ça avant, il était plus joyeux, plus souriant, moins fatigué. J’ai vite compris qu’il y avait quelque chose de spécial en Europe. Il fallait donc que j’aille là-bas. Si possible sur mon vélo, histoire de les rendre fiers au passage.

Ma saison a commencé tout doucement avec un calendrier plutôt léger pour 2015. Je ne vais pas vous mentir, l’équipe a un budget assez modeste donc on oublie l’exotisme. Et puis je suis un rookie de 19 ans, l’équipe ne compte pas vraiment sur moi pour aller chercher des points sur les meilleures courses. Alors je fais mon petit bout de chemin, j’apprends. Je dois vous avouer que ce n’est pas facile. Dès le camps d'entraînement, j'ai senti que je n'étais pas encore au niveau de l'équipe. Je finis lessivé sur chaque course, à deux doigt de vomir. Devoir se placer sans arrêt dans ce peloton me détruit mentalement, ça frotte et ça crie sans cesse. Les course ici sont courtes mais qu’est-ce que ça bouge! Ça attaque de partout, sans temps mort. Il faut être à 100% pour simplement finir dans le peloton.

Je fais de mon mieux, mais pas facile de briller. Je manque encore de physique. Je fait quelques top 25 en frottant fort dans le final de quelques sprint massifs, quand je ne dois pas travailler pour l'équipe. Je crois que c’est ce que je préfère, ces arrivées où la vitesse pure et l'agilité couronnent le vainqueur – où on frotte avec les barrières, épaules contre épaules. Le physique pêche encore un peu, il faudra que je bosse là-dessus durant l’hiver si je veux commencer à être performant. Pour l’instant, rien ne me différencie du reste des anonymes du peloton et je sais que, malheureusement, on ne me fera pas de cadeau avec mon contrat d'un an.