The three lives of Alessandrini

Les jours se rallongent, les températures montent et la population débute ses pique-nique au parc et après-midis à la piscine. Pour moi, l'été ne sera pas synonyme de farniente. L’un de mes objectifs de la saison approche avec les championnats du Canada. La course est assez plate et je me sens en forme : qui sait ce qui pourrait arriver. J'ai deux courses au Canada avant ça pour monter en puissance.

Le GP de Saguenay est définitivement compliqué. Malgré deux top 20 au sprint, j’ai du mal à vraiment faire parler la poudre dans le final. L’équipe ne m’a pas vraiment protégé car les moyens sont limités… et on privilégie Jack [Burke] qui joue le général. Soit. Même chose au Tour de Beauce, je suis juste derrière les meilleurs mais impossible de me mêler à leur lutte. Je fais de mon mieux, frottant comme un sauvage pour remonter mais rien n’y fait.

Avec ces résultats plutôt médiocres, j’arrive donc aux championnats avec l’envie de faire bien mieux. Mais le rythme est fou toute la journée, avec des attaques incessantes. Je loupe la bonne échappée, finissant dans un groupe de trois que je règle au sprint. Mon premier top 10 ! Je suis un peu déçu mais sous cette chaleur il n'y avait pas beaucoup mieux à faire. Au final la journée est belle, Amanda et la famille se sont même déplacés à Ottawa pour moi. Quel plaisir de les voir si fiers à l'arrivée! Après tout, j'ai la chance de faire partie du petit groupe de cyclistes canadiens professionnels! Ce n'est pas une petite victoire...

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4 septembre 2016, Ottawa Post, p. 18 (sport)

Déception pour le jeune calgarien Mike Alessandrini, contraint à l’abandon avant la quatrième étape du Tour d’Alberta à Edmonton. A domicile, le jeune coureur espérait se montrer avec les meilleures. Mais une météo capricieuse et un début de grippe l’a obligé à ne pas se présenter au départ. Son équipe, H&R Block, n’aura pas pesé sur la course et espère maintenant accrocher un top 20 au classement général avec Jack Burke.

Tout n’est pas perdu pour Alessandrini, qui réalise une bonne saison cette année. Le cycliste de 20 ans a réalisé une 7ème place aux championnats nationaux et 4 top 20 sur diverses courses cette saison. Des bons résultats qui ont attirés l’œil du sélectionneur canadien, John Logmann, qui a décidé de le prendre avec lui pour les championnats du monde des mois de 23 ans au Qatar. ''C’est une chance incroyable, et sur un terrain tout plat j’espère bien sûr me montrer. Le mondial tombera très tard, en octobre, donc ce sera bien sûr un challenge de garder la forme. Mais je suis motivé, surtout que c’est ma première course avec le Canada'' nous a déclaré Mike.

Le calgarien changera d’air l’an prochain. Après deux saisons chez H&R block, Alessandrini n'a pas prolongé son contrat et dévoilera bientôt sa nouvelle équipe. ''J'avais besoin de bousculer mes habitudes, je voulais changer d'environnement. H&R a été fantastique et je les remercie, mais c'était une opportunité à laquelle je ne pouvais pas dire non''.

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24 septembre 2022, Amsterdam, NL

C’était seulement la deuxième fois que je prenais part à un championnat du monde. Comme la première fois, je ressentais la même excitation mêlée de tension. C’est une course à part dans le calendrier, sans grosses équipes, sans favori clair, avec à la clé un maillot arc-en-ciel. Tout peut arriver. Et puis c’est un honneur de porter ses couleurs nationales sur le dos. Du coin de l’œil je le voyais d'ailleurs mon maillot canadien, suspendu à un cintre sur l'armoire. Dossard 137; Alessandrini, M. La classe.

Je m’accolais à la fenêtre, pensif. La pluie hollandaise avait largement vidé les rues et les canaux. Comme en 2016, je m’apprêtais à changer d’environnement. Une nouvelle équipe, de nouveaux objectifs. Étais-je prêt ? A chaque fois les mêmes questions. Etais-je assez bon ? Allais-je réussir ? Je me rappelais avec nostalgie mon engouement et mes espoirs d’antan. Je venais de fêter mes 21 ans et je partais pour la Californie. J’étais dans une suite magnifique dans le centre-ville de Doha. Pour la première fois je croyais en mon rêve de devenir coureur cycliste – un bon, un leader, un scorer. Qu’était-il devenu de ce rêve ? Qu’était-il devenu du Mike qui s’imaginait avoir une chance de gagner sur le Tour ?

Mon parcours a été semé d’embuches, de détours, de rues sans issue. Je me suis toujours relevé, jamais plus qu’à Doha. Une course magnifique, toute plate, parfaite pour moi. J’étais en bonne forme, un peu émoussé mais prêt à en découdre. Et puis cet écart stupide, une roue trop proche, un frottement mal assuré, un cuissard arraché et un poignet cassé. Mon séjour à Doha s’était terminé en pleurs. Plus que la douleur, c’était l’impression d’une occasion manquée qui me dégoutait. La première, mais pas la dernière, à me filer devant les yeux.

Allais-je me montrer aujourd’hui ? Ou était-ce encore un de ces mirages, de ces espoirs qui n’aboutissent jamais ?

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26 janvier 2017, San Diego International Airport, USA

J’arrivais l’esprit léger à San Diego. Les températures agréables de l’hiver californien ne pouvaient que me mettre de bonne humeur. Quitter la famille, les amis, et bien-sûr Amanda, tout ça n’avait pas été un choix facile. J’avais longuement réfléchi à ce changement total dans ma vie. Mais la réalité s’était vite imposée à moi. Si je tenais vraiment à passer cycliste professionnel, à courir un jour en Europe dans une bonne équipe, alors il fallait que je parte pour les États-Unis. C’était mon coéquipier Jack [Burke] qui avait parlé de moi à Aevolo, une nouvelle équipe dans le peloton américain. Après quelques pourparlers, ils m’avaient offert un beau contrat dans leur équipe. 2 ans, pas trop mal payé, et surtout l’occasion d’évoluer toute l’année aux États-Unis.

J’étais coupé de tout ce que je connaissais, de tout ce qui m’était familier. Mais, au fond de moi, j’avais la conviction que c’était ce qui allait me permettre de passer au niveau supérieur. Ici, en Californie, on peut s’entraîner et courir toute l’année. Même la scène amateure locale était compétitive! Tout allait me permettre de me mettre en évidence. Les meilleures équipes du continent étaient ici, les meilleures courses aussi. 2017 s’annonçait sous les meilleurs auspices. Et puis, je pourrais toujours retourner au Canada à l’entre-saison et durant mes courses là-bas. Je n’étais pas à l’autre bout du monde.

Je me sentais bien, en paix avec moi-même. Sans excuses, et tout entre mes mains pour réussir.

Après tout, ce pays n'était-il pas celui où tout était possible?

Contrat 2017
Aevolo (CT)
Coureur protégé
3.000€/mois | 31.12.2018 (2 ans)

Michele "Mike" ALESSANDRINI
Calgary, Canada
4 nov 1996 (21 ans)
Sprinteur

Carrière
2014 – Junior
2015 - H&R Block Pro Cycling (CT)
2016 - H&R Block Pro Cycling (CT)
2017 - Aevolo (CT)
- - - -
2023 - EF Pro Cycling (WT)

18 mars 2026, Sport Talk Show

[...]

‘- Parlons maintenant d’un sujet plus ancien : Mike Alessandrini. Avec du recul, étais-ce une erreur ?
‘- Bonne question. Écoutez je… je ne pense pas que c’était une erreur non. Bien sûr, je pense qu’il serait… stupide… de nier que certains éléments marketing ont joués. Le sponsor a vu d’un très bon œil son arrivée dans l’équipe. Maintenant Mike… Mike est un excellent coureur. Un très bon sprinteur. Je crois que… je crois qu’il était un peu juste pour se battre avec les meilleurs et c’est peut-être notre erreur de… de lui avoir mis une certaine responsabilité parfois. Je… mais je pense que… que ça reste un coureur d’un très grand talent. Il n’est pas le premier à avoir eu du mal avec son passage au niveau supérieur.

‘- Tout de même… si on regarde les résultats…
‘… Les résultats, excusez-moi de vous interrompre… mais les résultats sont une donnée comme une autre. Mais il faut prendre le contexte aussi : nouvelle équipe, nouvelle pression, nouveau niveau aussi… je crois que si l’on considère que c’était son premier essai au World-Tour… et avec le statut qu’on lui a mis… oui je crois qu’il ne s’est pas trop mal débrouillé. On a vu bien pires saisons dans le passé. Je crois qu’on oublie facilement une chose, une chose très simple. Quand on a engagé Mike, bien-sûr, il a passé des tests physiques avec nous. Nous l’avons testé sur de la vitesse pure. Mike… C’est l’un des coureurs qui a produit le plus de watts que j’ai pu voir. Et… je crois qu’on peut tous le reconnaitre, Mike est l’un des meilleurs coureurs de critérium sur le circuit. Sur un sprint compliqué, où il faut frotter beaucoup, remonter des positions et se battre au coude à coude, Mike a quelque chose en plus que la concurrence. Il n’a peur de rien, l’adrénaline le rend plus fort. Si il faut frotter dans un virage à angle droit dans les 200 derniers mètres… il sera là. Je… Prenez par exemple sa première victoire professionnelle… à seulement 21 ans. C’est sur le circuit américain. Une arrivée au sprint complètement désorganisé, il est esseulé. La façon dont il remonte tout le monde, se bat pour chaque position, coupe les virages et relance sans arrêt… puis… Mike crucifie tout le monde et s’impose largement. A 21 ans, sans équipiers. Dès ce moment, nous avons toujours surveillé sa carrière et sa progression du coin de l'oeil. Non, vraiment, je ne crois pas que l’engager était une erreur. Alessandrini a toujours mérité une chance au plus haut-niveau du cyclisme et c'était une décision réfléchie.

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